Pygmées en lutte (4/4). Cette ethnie de la région Sud conduit plusieurs actions contre les entreprises Cameroun Vert et Biopalm afin de stopper les déforestations.
Henry Nlema, plus connu sous le nom de « Cent Ans », au campement Zambe Alo dans l’arrondissement de Campo. JOSIANE KOUAGHEU POUR "LE MONDE AFRIQUE"
Les plants de palmiers à huile s’étendent à perte de vue. Des employés vont et viennent entre les pousses pendant que les camions peinent sur les pistes ocre. Quelques mois dans les environs de Campo (région Sud du Cameroun), il ne reste rien ou presque de l’ancienne forêt. Plus de 1 000 hectares ont déjà été terrassés par la société camerounaise qui vise 60 000 hectares en tout. Un projet qui suscite une grande inquiétude chez les riverains, plus particulièrement les Bagyeli, une population autochtone de la forêt qui vit de la chasse, de la pêche et de la cueillette.
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« Dans cette partie détruite par Camvert, on campait pour faire la chasse. On y allait aussi pour récolter le miel. Aujourd’hui, il n’y a plus rien », se désole Henry Nlema, surnommé « Cent Ans », assis sur un tabouret dans la cuisine qui sert également de salle de séjour à sa famille, dans le campement Zambe Alo. Voilà des semaines que ce cinquantenaire « ne dort plus bien ». Chaque nuit, il veille sur sa maison et les champs alentour, guettant « l’avancée » des éléphants.
« Ils ont détruit nos bananiers plantains. Avant, il n’y avait pas autant d’attaques, mais depuis que Camvert a détruit ce bout de forêt, les bêtes fuient vers nos champs », explique « Cent Ans ». Le parc national de Campo-Ma’an, où vivent de nombreux pachydermes, jouxte le village. « Nos forêts disparaissent et les bêtes envahissent le peu qui reste. J’ai peur », confie Biloa, l’épouse de Henry Nlema.
« On n’aura plus rien »
Comme ce couple, de nombreux Bagyeli rencontrés dans trois campements vivent dans l’angoisse. A Nkongo, bourgade située dans la commune de Niété, Mathieu Massamela embrasse d’un geste la forêt située à quelques mètres du campement : « C’est ici que je trouve le gibier, les remèdes pour me soigner. Si Camvert détruit, on n’aura plus rien. Je mourrai. » Les limites établies par la société pour ses projets d’exploitation arrivent à la lisière de son champ.
Le jour où les émissaires de la société camerounaise sont arrivés, Mathieu Massamela n’a pourtant opposé aucune résistance. Les autres non plus. « Ils sont venus avec du riz, du poisson en disant que les palmiers à huile allaient nous apporter le développement. C’est un mensonge. Un Bagyeli, c’est sa forêt. Comment peut-on vouloir détruire la forêt et nous dire que tout ira bien ? », s’interroge Pauline Akamba, une Bantou mariée à un Bagyeli dans le campement.
Depuis l’annonce de ce projet agro-industriel, des associations nationales et internationales dénoncent régulièrement les conséquences néfastes à court, moyen et long terme de l’implantation des palmiers à huile, leur impact sur la vie des populations riveraines ou encore le non-respect des lois.
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