CIRAD-Réduction de la fiscalité forestière pour les concessions certifiées avec compensation aux États

Le mécanisme de Réduction Compensée de la Fiscalité (RCF) ne porte que sur la fiscalité forestière, constituée principalement de trois redevances ou taxes : la redevance de superficie, la taxe d’abattage et les droits de sortie. L’hypothèse qui sous-tend cette étude est que la certification de gestion forestière responsable (type FSC ou PAFC), constitue aujourd’hui une des meilleures garanties de conformité aux réglementations existantes, tout en incitant les entreprises à ne pas limiter leurs efforts aux seules exigences légales/administratives dans les domaines sociaux et écologiques. Malgré son expansion dans les zones tropicales, la certification FSC des forêts naturelles en Afrique centrale stagne depuis 2014 et a décliné en 2017-2018 avec 1,2 million d’hectares en moins. Une des raisons de ce ralentissement est la part de plus en plus importante prise par les marchés asiatiques et d’autres pays émergents dans les exportations de bois des pays africains, au détriment notamment du marché européen, le plus sensible à la certification.

Problématique :

Le « modèle économique » de la certification dépend des « primes sur le prix », lesquelles ne sont pas toujours existantes ou suffisantes. Si ces incitations par le marché sont insuffisantes, elles pourraient être trouvées au niveau de la production. En Afrique centrale, réduire les coûts passe par la fiscalité, car c'est l’un des seuls postes de dépense qui peut être affecté par une décision politique. Comme il est peu probable que les pays renoncent à des recettes sans contrepartie, il sera nécessaire de les compenser pour le manque à gagner. La réduction des coûts par le biais de réductions de taxes compléterait non seulement l’incitation commerciale de la certification, mais attirerait potentiellement une nouvelle catégorie de concessionnaires, à savoir ceux dont les débouchés se trouvent sur des marchés peu sensibles à la certification. Une coalition de bailleurs de fonds pourrait proposer aux pays producteurs des accords visant à compenser les budgets nationaux pour la réduction des taxes pour les concessions certifiées (FSC, ou le nouveau label PAFC). Les compensations devraient être maintenues pendant une période minimale, idéalement de 7 à 10 ans, pour permettre aux concessionnaires aujourd’hui non certifiés de le devenir. La période de compensation fiscale serait fixe (et non « à la carte » pour chaque entreprise), avec une année initiale et une année de clôture, les concessionnaires intéressés devant saisir la fenêtre d’opportunité temporelle, faute de quoi ils perdraient les avantages fiscaux potentiels du mécanisme.

Une autre hypothèse qui sous-tend cette option est que, une fois certifiées, les entreprises auront accès à de nouveaux marchés, généralement rémunérateurs, sans que cela soit aux dépens de leurs marchés traditionnels. En outre, l’expérience montre que pour parvenir à la certification, et une fois certifiées, les entreprises rationalisent leur gestion forestière, source d’économies et améliorent leur productivité. Une nouvelle culture d’entreprise se développe et il est, dès lors, peu probable que les entreprises reviennent à leurs anciennes pratiques et renoncent à la certification, même après la fin des avantages fiscaux.

Résultats et recommandations :

Alors que les trois pays concernés par l’étude, Cameroun, Congo et Gabon, ont des surfaces forestières assez comparables, la fiscalité forestière génère des niveaux très différents de recettes. Dans les pays qui conservent des volumes significatifs d’exportation de grumes, la majorité des recettes découlent de ce flux d’exportation de bois brut. Par exemple, au Cameroun les exportations de grumes représentent 25% du volume d’équivalent bois rond exporté, mais génèrent 84% des recettes des taxes d’exportation. 

Le Cameroun se caractérise par une pression fiscale très élevée, tant en ce qui concerne la redevance de superficie que pour l’exportation des grumes. A l’inverse, la fiscalité forestière génère assez peu de revenus au Gabon, suite à l’interdiction d’exporter des grumes, à la disparition d’une véritable taxe d’abattage et à l’absence de droits de sortie sur les bois exportés. Les entreprises payent néanmoins des sommes significatives au titre de la parafiscalité. Le Congo se trouve dans une position intermédiaire, mais on doit souligner l’importance des prélèvements parafiscaux qui pèsent sur les entreprises.

Différents scénarios d’abattement fiscaux ont été réalisés. Si des bailleurs de fonds sont prêts à le financer, un accord de réduction compensée de la fiscalité forestière (RCF) serait à rechercher en priorité avec le Cameroun. Les réductions compensées devraient être importantes, de l’ordre de 50%, les deux premières années de l’accord, ce qui correspondrait à des sommes limitées puisqu’il n’y a qu’une seule concession certifiée et que cette situation devrait peu évoluer les deux premières années qui suivraient l’introduction de la mesure RCF (temps nécessaire pour les entreprises afin de se préparer à la certification). Le taux pourrait ensuite se stabiliser à 30% pour les années suivantes. Si la surface certifiée est d’environ 350.000 ha pour les années 1 et 2, la somme à compenser sera d’environ 2,44 millions € (50% d’abattement). Un principe de « surcompensation » du manque à gagner fiscal pour l’État pourrait être adopté afin d’inciter le gouvernement à conclure un accord.

Pour le Congo, il semble nécessaire de connaître les modalités et les conséquences sur la fiscalité du principe de « partage de production » qui devrait figurer dans la nouvelle loi forestière. Le Ministère en charge des forêts indiquant qu’une fois la loi adoptée, une étude serait lancée pour envisager les modalités d’application de cette mesure, il faudra donc attendre les conclusions de cette étude et les textes d’application de la loi avant d’envisager un dialogue sur le mécanisme RCF.

Au Gabon également la fiscalité forestière risque d’être modifiée très prochainement, justifiant d’attendre de connaitre le nouveau régime fiscal avant de proposer le mécanisme. Le principe de différenciation des taux de taxation pour les entreprises certifiées pourrait être adopté dans un nouveau régime fiscal et se traduire par une hausse de certaines taxes pour les entreprises non certifiées. Si ce principe va dans le sens de la logique d’incitation portée par le mécanisme RCF, reste à savoir si la différenciation fiscale qui sera proposée constituera une incitation suffisante pour que de nouvelles entreprises emboîtent le pas des trois sociétés déjà certifiées. Dans le cas où le niveau d’incitation serait jugé insuffisant, l’utilisation du mécanisme RCF pourrait être justifiée. Bien sûr, la mise en œuvre de l’obligation de certification des concessions forestières dès 2022 rendrait le mécanisme RCF sans objet. Si, néanmoins, cette mesure n’entrait pas en vigueur en 2022, mais à une date ultérieure, le mécanisme RCF pourrait être utilisé dans l’intervalle pour faciliter la transition.

La recommandation principale est d’accorder la priorité au Cameroun. La pression fiscale ne cesse d’y augmenter : en 2019, la taxe d’abattage est passée de 2,5 à 4%, et en 2020, les taxes d’exportation sur les grumes sont passées de 30 à 35%, les taxes export sur les produits transformés passant, quant à elles, de 5,65% à 10%. A l’heure actuelle, il n’y a qu’une seule concession encore certifiée « gestion forestière » au Cameroun. Le pays, qui a été celui de la première entreprise certifiée en Afrique centrale (en 2005), est aussi le seul de la région où des d’entreprises ont abandonné la certification – soit pour abaisser leurs coûts, soit pour causse de cessation d’activités. Le contexte de gouvernance – qui se traduit par d’importantes distorsions de concurrence entre entreprises responsables et opérateurs agissant aux limites de la légalité – ainsi que l’accroissement du « coût de la légalité », à commencer par l’augmentation quasi continue du niveau de la pression fiscale, expliquent en très grande partie cette situation. Le basculement du marché vers l’Asie et différents pays émergents ces 15 dernières années fait également partie des facteurs à prendre en compte, mais le Gabon et le Congo connaissent la même situation et n’ont pas connu, eux, de recul des superficies certifiées, ce qui suggère que cette évolution des marchés n’explique pas tout.

Il est clair que cette mesure d’abattement fiscal ne peut, à elle seule, inverser les tendances à la dégradation constatées dans le secteur forestier. Elle ne peut se substituer à d’autres mesures essentielles en matière de lutte contre l’illégalité, la conversion des forêts naturelles par le déclassement des UFA et un dialogue politique exigeant. Mais, dans le contexte actuel, maintenir correctement géré un important noyau de forêts de production pris en charge par des opérateurs économiques responsables constituerait un point d’appui pour combattre la dynamique dangereuse de dégradation rapide des ressources ligneuses, laquelle conduira inévitablement, tôt ou tard, à la déforestation.

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