Jusqu’ici cantonné au militantisme, le concept gagne la sphère politique. Six Etats et l’Union africaine se sont emparés du sujet, mais les résistances sont tenaces.
C’était le 25 novembre 2021 à Kinshasa. Lors de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, six chefs d’Etat africains se sont pressés à l’Hôtel Fleuve Congo, établissement chic de la capitale congolaise, pour participer à un sommet inédit : la Conférence des hommes sur la masculinité positive. Les « champions de la cause féminine », comme ils se sont autoproclamés à l’issue de la rencontre, ont parlé d’une seule voix pour condamner les discriminations et les maltraitances envers les femmes du continent. « Nous devons peser de tout notre poids pour faire cesser ces violences », a déclaré le président sénégalais, Macky Sall.
Lancée par l’Union africaine (UA) et son président en exercice, le Congolais Félix Tshisekedi, ainsi que par l’African Women Leaders Network (AWLN), l’organisation d’Ellen Johnson Sirleaf, ex-présidente du Liberia, cette rencontre a inauguré l’apparition dans le discours politique d’un concept jusque-là cantonné aux sphères féministes et universitaires : la « masculinité positive ».
« Les masculinités toxiques encouragent les garçons et les hommes à adopter des comportements à haut risque et cautionnent une culture de la violence. Les hommes en tant que groupe bénéficient de l’association de la masculinité et des privilèges », a constaté Moussa Faki, président de la Commission de l’Union africaine. L’organisation panafricaine a aussi enjoint aux sociétés civiles, aux chefs religieux et aux acteurs économiques de soutenir le mouvement.
« Dynamiques de pouvoir »
Le thème choisi pour le sommet indique un changement de paradigme dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles qui minent le continent. Après des décennies de politiques centrées sur l’accès des filles à l’éducation, à la santé, et financées en grande partie par les bailleurs de fonds internationaux, les Etats africains constatent la persistance d’inégalités profondes entre hommes et femmes.
« Les politiques du genre telles qu’elles sont présentées par les institutions onusiennes ou africaines ont été totalement vidées de leur caractère féministe. Toutes ces campagnes ne remettent pas en cause les dynamiques de pouvoir qui sous-tendent les relations hommes-femmes », analysait la sociologue Fatou Sow dans un entretien au Monde paru le 12 janvier.
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