Le directeur exécutif « Forêts et changement climatique » de la Wildlife Conservation Society (WCS) a publié la semaine dernière un article sur les solutions qu’offre la nature pour lutter contre le changement climatique dans la revue scientifique ensia. Nous le relayons ici.
Credit : ensia.com
Il y a plusieurs dizaines d’années, l'universitaire gallois Raymond Williams écrivait : " La nature est peut-être le mot le plus complexe de la langue". Il n'est donc peut-être pas surprenant que les organisations et les personnes travaillant à l'interface du changement climatique et de la conservation de la biodiversité aient des opinions très différentes sur ce que l'on appelle communément les solutions fondées sur la nature (NBS pour Nature-Based Solutions) et les solutions climatiques naturelles (NCS pour Natural Climate Solution) à la crise climatique.
L'idée qui sous-tend ces solutions est que la protection et l'accélération des processus naturels peuvent contribuer à résoudre la crise climatique en éliminant les gaz à effet de serre de l'atmosphère, en stockant le carbone dans la biomasse et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre de la biomasse vers l'atmosphère. Mais comme la nature englobe tout (la terre, l'eau, l'air, le feu, les êtres vivants y compris les êtres humains), la notion de "fondé sur la nature" ou "naturel" est très subjective.
Or, cette définition se pare d’une grande importance dans le contexte de l'urgence de la crise climatique et de nos réponses jusqu'à présent inadéquates à celle-ci, comme le montre très clairement le récent rapport du groupe de travail II du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sur les impacts du changement climatique, l'adaptation et la vulnérabilité. Si nous ne parvenons pas à limiter le changement climatique, nous perdrons également la majeure partie du monde naturel tel que nous le connaissons. Néanmoins, alors que certains défenseurs des NBS et des NCS s'efforcent de garantir un alignement solide des résultats en matière de climat et de biodiversité, d'autres se contentent de revendiquer les bénéfices de la nature tout en éludant la responsabilité des coûts qu'ils entraînent pour elle.
Le premier camp regroupe des organisations telles que l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui définit les NBS comme "des actions visant à protéger, gérer durablement et restaurer les écosystèmes naturels et modifiés, et qui répondent aux défis sociétaux de manière efficace et adaptative, tout en offrant des avantages en termes de bien-être humain et de biodiversité". De même, une publication fondamentale sur les NCS propose de les définir comme "des actions de conservation, de restauration et/ou d'amélioration de la gestion des terres qui augmentent le stockage du carbone et/ou évitent les émissions de gaz à effet de serre dans les forêts, les zones humides, les prairies et les terres agricoles".
Le second camp comprend les promoteurs de projets de bioénergie et les politiques pro-bioénergie. Ces initiatives reposent souvent sur les arbres comme principale source d'énergie, dévastant les forêts et leur faune et sapant le rôle des forêts dans l'élimination et le stockage à long terme du dioxyde de carbone.
Outre la bioénergie, l'expansion continue des plantations monoculturales pour les produits alimentaires et les fibres va à l'encontre de la conservation de la biodiversité, malgré l'intérêt croissant de certaines entreprises agroalimentaires pour l’enjolivement d'un récit de "business-as-usual" afin de vanter les mérites des NBS ou des NCS.
Des solutions à l’impact positif prouvé
L’utilisation de l'ambiguïté des termes a permis à ce dernier camp de prendre pied, mais il est clair que ce n'est rien d'autre que du greenwashing. Pour y remédier, nous devons promouvoir et mettre en œuvre des solutions qui ne soient pas seulement vaguement "fondées sur la nature", mais réellement et manifestement "positives pour la nature", ce qui signifie qu'elles contribuent à arrêter et à inverser la perte d'écosystèmes naturels d'ici 2030, par rapport à 2020, tout en offrant des avantages en matière d'atténuation du changement climatique et d'adaptation à celui-ci.
Dans le domaine du changement climatique, les NBS et les NCS sont désormais solidement implantées, avec un potentiel d'impact important, comme en témoignent le nombre et l'importance financière des annonces faites lors de la COP26 à Glasgow l'année dernière. Si le besoin de financement se fait cruellement sentir, l'impact est la seule véritable mesure du succès et de l'échec. Il semble donc justifié de poser des questions claires au sujet du financement climatique positif pour la nature : comment contribuera-t-il à stopper et à inverser la perte des écosystèmes naturels ? Quels sont ses avantages en matière d'adaptation et d'atténuation du changement climatique ? Et contribuera-t-il à réduire, ou à exacerber, les inégalités existantes, notamment pour les peuples autochtones et les communautés locales ?
Dépasser l'ambiguïté
Dans l’optique de la prochaine conférence mondiale de la Convention sur la diversité biologique, il est temps de dépasser ce langage ambigu qui peut facilement être utilisé et déformé pour signifier ce que l'on veut.
Pour répondre de manière adéquate à l'urgence climatique, nous devons réduire rapidement et radicalement les émissions de gaz à effet de serre de tous les secteurs de l'économie, y compris l'énergie, l'industrie, les transports, les bâtiments et l'agriculture, et protéger les écosystèmes naturels. Et nous devons tout particulièrement protéger les forêts et les tourbières, écosystèmes qui absorbent le plus de CO2 de l'atmosphère, stockent le plus de carbone dans la biomasse et ont le plus grand potentiel de réduction des émissions de CO2 de la biomasse vers l'atmosphère.
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