L’Union européenne était sur le point de se débarrasser de son principal outil dans la lutte contre l’exploitation illégale des forêts. Toutefois, des organisations de la société civile des quatre coins du monde ont protesté pour changer la donne.
Il y a quelques mois, l’Union européenne (UE) paraissait déterminée à abandonner ce qui constitue son initiative la plus novatrice et ambitieuse en matière de lutte contre l’exploitation illégale des forêts à l’échelle mondiale.
Début 2021, la Commission européenne a effectué un bilan de qualité du règlement sur l’application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux (FLEGT), un texte qui vise à améliorer la gestion des forêts tropicales et à mettre un terme au commerce de bois d’origine illégale. La réalisation des objectifs de ce règlement pourrait être déterminante, car le trafic de bois représente entre 50 et 100 milliards de dollars par an et a des conséquences dévastatrices sur l’environnement et le quotidien d’une grande partie des 1,6 milliard de personnes dépendantes des forêts.
Ce bilan de qualité a débouché sur l’idée qu’il fallait revoir les ambitions du règlement FLEGT à la baisse, au même titre que ceux des accords de partenariat volontaire (APV) que l’UE a conclus avec un grand nombre de pays producteurs de bois afin d’encadrer les échanges commerciaux.
Par ailleurs, la Commission européenne a envisagé d’abandonner les licences FLEGT, qui attestent de la légalité des activités de récolte, de transformation et d’exportation du bois et permet aux exportateurs d’accéder au marché de l’UE à des conditions favorables.
Ces projets ont suscité la consternation de nombreuses ONG œuvrant dans le monde entier pour la protection des forêts et des droits des communautés qui en dépendent. Elles ont été plus de 40 à signer une déclaration faisant état de leurs inquiétudes face à ces propositions et la régression considérable qu’elles représenteraient dans la lutte contre l’exploitation illégale des forêts.
Ces préoccupations étaient d’ailleurs partagées par des responsables politiques de différents pays producteurs de bois, à l’instar de Rosalie Matondo, la ministre de l’Économie forestière de la République du Congo, qui a conclu un APV avec l’UE en 2010. Mme Matondo a souligné que l’UE prendrait là une décision unilatérale concernant un accord commercial ayant fait l’objet d’une véritable concertation et déclaré : « L’APV qui nous lie à l’UE est un accord bipartite : toute décision qui se prend dans ce cadre doit faire l’objet d’une consultation et d’un consentement mutuel. »
Une analyse biaisée
Le 17 novembre 2021, la Commission européenne a fait une annonce déterminante en dévoilant une proposition de règlement sur les produits exempts de déforestation, profitant également de l’occasion pour prendre ses distances avec les projets d’abandon de certains éléments essentiels du programme FLEGT.
Ce changement de direction peut être le résultat de la forte contestation des ONG face aux intentions initiales de la Commission européenne, de manœuvres politiques internes ou encore de pressions provenant de différentes sources, mais il s’agit d’une bonne nouvelle qui reflète les conclusions positives de l’évaluation indépendante du Plan d’action FLEGT publiée par la Commission européenne en 2016 et d’une étude de 2020 réalisée par le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR). Ces deux publications montrent que les APV ont contribué de façon significative à la gestion durable des forêts et à la préservation de ces dernières ainsi qu’à l’amélioration de la gouvernance, de l’application de la législation et du degré de conformité des acteurs.
Mais devant le poids de ces conclusions, pourquoi avoir songé à abandonner ces éléments ?
Le temps a révélé un défaut dans le processus de consultation du bilan de qualité, ce dernier n’ayant pas suffisamment sondé l’opinion des gouvernements et de la société civile dans les pays signataires d’un APV. La documentation de référence était incomplète (ignorant plusieurs études faisant autorité ainsi que celle du CIFOR). La méthodologie employée comportait des faiblesses à différents égards et a notamment conduit à une surreprésentation des points de vue de l’UE par rapport à ceux d’autres pays. Le processus a également fait abstraction d’aspects essentiels des avantages et des possibilités qu’offrent le Plan d’action FLEGT et les APV ainsi que de leur efficacité en matière de réduction de l’exploitation illégale des forêts.
Le règlement FLEGT associé au règlement sur les produits exempts de déforestation
Pour traiter le problème de la déforestation à la racine, l’amélioration de la gouvernance forestière est indispensable. À cet égard, le règlement FLEGT, dont l’objectif principal est d’améliorer la gouvernance, est un « coéquipier » essentiel pour le nouveau règlement, ce dernier mettant l’accent sur le déboisement et la dégradation des forêts résultant de la production de marchandises. De façon plus spécifique, les APV conclus entre l’UE et des pays tiers constituent un point de départ pour le renforcement de la collaboration.
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