Un certain nombre de projets de nature et d’ampleur différentes ont été mis en place pour réduire les émissions liées à la déforestation et à la dégradation
Alors que le monde est pris dans une course de vitesse pour atténuer le réchauffement climatique, la progression des surfaces cultivées généralement due à la pratique du brûlis a été identifiée comme le premier facteur de déforestation à l’origine des émissions du plus important puits de carbone de la planète. Dans un nouveau rapport intitulé Les forêts du bassin du Congo – État des Forêts 2021 publié par l’Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale (OFAC), les experts déclarent que la croissance démographique impose une pression supplémentaire sur les forêts d’Afrique centrale, et réduit par conséquent le stock de carbone, car l’arrivée de milliers de ménages dans les zones forestières conduit à un défrichement en vue de la mise en culture. Les scientifiques évoquent également les autres facteurs provoquant la déforestation : l’exploitation forestière, l’aménagement du territoire, l’utilisation des terres, la gouvernance et les besoins en énergie.
Conscients des enjeux et du potentiel des forêts d’Afrique centrale pour piéger de grandes quantités de carbone, les chercheurs remarquent que tous les pays de la sous-région se sont engagés dès le départ dans le processus REDD+ (Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts) qui est soutenu par l’ONU. Cependant, même s’ils partagent le même enthousiasme pour ralentir les émissions résultant de la déforestation et de la dégradation, les pays d’Afrique centrale ne se mobilisent pas tous de la même manière. Ils ont notamment mis sur pied des projets de nature et d’ampleur différentes pour accroître l’absorption des gaz à effet de serre.
Selon les chercheurs, les pays membres de la Commission des Forêts d’Afrique centrale (COMIFAC) ont adopté une vision holistique et intégrée dans la mise en œuvre du processus REDD+. Cette option stratégique est un mélange de programmes transversaux et de programmes intégrés secteur par secteur. Par ailleurs, chaque pays considère l’aménagement du territoire et la gestion des terres comme un axe transversal stratégique indispensable au succès du mécanisme REDD+.
L’un des auteurs du rapport, Hassan Assani, qui est Coordonnateur national REDD+ en RDC, fait savoir que l’ambition des pays d’Afrique centrale est de mettre en place une véritable politique de gouvernance forestière afin de mieux gérer dans le temps et l’espace les activités humaines susceptibles d’avoir un impact sur le couvert forestier.
« Ces processus nationaux de zonage forestier et d’aménagement du territoire permettent à la fois de clarifier la répartition des différents usages, mais aussi d’organiser et de spatialiser le domaine forestier, facilitant l’opérationnalisation du Système National de Surveillance des Forêts (SNSF) indispensable au suivi des activités REDD+ », déclare Hassan Assani. Il précise que, grâce à cette approche, il est possible de distinguer les Paysages Forestiers Intacts des zones dégradées ou bien des zones susceptibles de connaître plus de pressions anthropiques du fait de leur statut donné par l’aménagement.
Pour mettre en œuvre le processus REDD+ avec efficacité, les chercheurs sont d’avis que les réformes des politiques nationales doivent toucher différents secteurs en raison de la nature transversale du mécanisme. Le secteur foncier est à leurs yeux prioritaire, car la réforme des droits d’accès et d’usage est indispensable, et tous les autres secteurs en dépendent.
Les chercheurs indiquent que, en vue de créer un cadre institutionnel propice à la mise en œuvre du mécanisme REDD+, le gouvernement congolais de la RDC a, depuis 2012, initié un projet de réforme du secteur foncier. Cependant, faute de moyens financiers, ce projet n’a pu démarrer qu’en 2014 avec le lancement de la commission nationale des réformes foncières (CONAREF). En 2016, le processus a pu bénéficier d’une enveloppe de 7 millions USD dans le cadre de la lettre d’intention signée avec l’Initiative pour les Forêts d’Afrique Centrale (CAFI).
Toutefois, il a été constaté que, même avant les réformes, depuis 2008, plusieurs projets AFOLU (Agriculture, foresterie et autres affectations des terres) ont été enregistrés (ou sont en cours d’enregistrement pour le plus récent) dans les pays membres de la COMIFAC au titre du Mécanisme de développement propre (MDP) de la CCNUCC ou auprès de standards carbone comme le Verified Carbon Standard (VCS), le Gold Standard ou Plan Vivo. Par ailleurs, il existe des projets pour la production et la distribution de foyers améliorés aux ménages afin de réduire leur consommation de bois de chauffe, les besoins en bois-énergie et au final, la déforestation et la dégradation des forêts. Ces projets sont surtout enregistrés auprès du Gold Standard et se trouvent principalement au Rwanda et au Cameroun, mais aussi en RDC, au Burundi et en République du Congo. D’après ce rapport, ce sont environ 2 500 000 crédits carbone qui ont été émis au titre de ces projets.
Le rapport présente notamment le programme de réduction des émissions en République du Congo, dans les deux départements les plus boisés du pays : la Sangha et la Likouala. Approuvé en 2018 par les membres du Fonds de Partenariat pour le Carbone Forestier (FCPF), ce programme doit réduire les émissions de 13 093 084 teCO2 entre 2020 et 2024. La majorité des réductions d’émissions estimées devrait provenir de la mise en place de pratiques d’exploitation forestière à impact réduit (EFIR) dans les concessions forestières, démarche permettant de réduire l’impact de l’exploitation forestière sans diminuer la production de bois d’œuvre.
Le programme de réductions d’émissions de Maï-Ndombe lancé en 2009 en RDC est aussi présenté dans le rapport comme une intervention REDD+ d’un grand intérêt. Anticipant la 3e phase du processus REDD+ (paiement aux résultats), la RDC, avec l’appui de la Banque mondiale, prépare depuis 2012 la conception du Programme juridictionnel de réduction des émissions (PRE) de Maï-Ndombe. Ce PRE a été officiellement intégré dans le portefeuille du FCPF en novembre 2016 et un contrat d’achat et de vente des réductions d’émissions (ERPA) a été signé entre la Banque mondiale et la RDC en septembre 2018.
Lors les efforts déployés pour réduire les émissions grâce à 15 projets pilotes, les difficultés rencontrées ont permis aux pays d’Afrique centrale de tirer certaines leçons.
Étant donné que la progression de l’agriculture est le premier facteur de la déforestation, les scientifiques préconisent que les pays d’Afrique centrale recherchent de nouvelles pratiques agricoles qui épargneront les forêts, des pratiques éclairées par des politiques agricoles tenant compte de la dimension du changement climatique. Cependant, ces pays sont peu nombreux à avoir révisé leurs politiques agricoles jusqu’ici.
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