Le règlement européen sur la déforestation doit renforcer le programme FLEGT et les efforts déployés par les pays producteurs pour lutter contre la déforestation, affirme Justin Kamga, coordinateur de l’ONG camerounaise Forêts et Développement Rural (Foder).
Les objectifs de la proposition de règlement européen sur les produits « zéro déforestation » sont louables.
Le problème majeur, toutefois, est l’absence de consultation préalable à sa rédaction : la proposition n’a pas été élaborée de manière consultative, et notre gouvernement national n’a pas été suffisamment impliqué. Contrairement à l’approche multipartite inclusive de l’Union européenne (UE) qui a caractérisé le processus d’accord de partenariat volontaire (APV) sur l’application du programme sur les réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux (FLEGT), l’UE a adopté une approche unilatérale à l’égard de ce nouveau règlement.
Cela a entraîné une certaine confusion et un manque de clarté quant à savoir s’il remplacera le programme FLEGT ou lui sera complémentaire, et nombreux sont ceux qui pensent que le processus d’APV-FLEGT a été abandonné en faveur du règlement sur la déforestation.
Même après l’adoption du nouveau règlement, le programme FLEGT doit perdurer et l’UE doit continuer à le soutenir.
Le processus d’APV a en effet stagné ces dernières années, mais la responsabilité de cette situation doit être partagée entre toutes les parties. Ses avantages sont immenses, et nous devons relancer le processus plutôt que d’abandonner les progrès accomplis et les espoirs suscités.
Donner la voix aux communautés et aux organisations de la société civile
Au Cameroun, l’APV-FLEGT a ouvert un espace de dialogue entre le gouvernement, la société civile, les communautés autochtones et le secteur privé, tout en créant un cadre qui a permis aux communautés d’exprimer leurs préoccupations et de défendre leurs droits.
Il a renforcé la société civile, notamment en nous donnant la possibilité de surveiller les forêts de manière indépendante, et nous a permis de faire entendre notre voix et d’exprimer publiquement nos préoccupations en mettant en évidence les violations potentielles de nos législations forestières. Si nous devions tout arrêter, cela saperait tous les efforts déployés dans le cadre de l’APV-FLEGT, et donnerait à notre gouvernement une excuse pour gérer nos forêts de manière non-participative.
Pour protéger nos forêts, nous devons maintenir la rigueur du processus de l’APV-FLEGT, ainsi que l’observation indépendante des forêts, ce qui a permis d’orienter le gouvernement vers une durabilité accrue et de contribuer à la bonne application des législations forestières.
Même s’il existe des images satellites montrant la déforestation dans un endroit spécifique, il faut toujours se rendre sur le terrain pour vérifier les informations et déterminer la cause de la déforestation de manière indépendante. L’imagerie satellite sans l’utilisation d’outils parallèles existants rend la surveillance des forêts difficile et parfois inexacte.
Il est vital que l’observation indépendante des forêts par la société civile et les communautés locales soit maintenue, et nous demandons le soutien de l’UE pour y parvenir, non seulement par l’intermédiaire de l’Observatoire de l’UE (imagerie satellite), mais aussi en soutenant l’observation indépendante externe, avec l’aide des organisations de la société civile et des communautés.
Critères de durabilité
Un autre point intéressant établi par le règlement concerne l’intégration des critères de durabilité. Jusqu’à présent, toute une série d’éléments de légalité ont été introduits par l’APV-FLEGT. Toutefois, pour atteindre une vraie durabilité, on ne peut se focaliser que sur les objectifs écologiques. On doit aussi intégrer les dimensions économiques et sociales. En l'état actuel des choses, le règlement ne le fait pas encore.
Si l’on dispose d’une preuve documentaire du respect des critères de durabilité, on pourra dire « oui, le bois a été produit de manière durable ». Mais bien qu’il y ait des contrôles, nous devons nous assurer sur le terrain que le bois a effectivement été récolté de manière à garantir la durabilité de la source et que son exploitation n’a pas créé de déséquilibre écologique dans la forêt. Il y a aussi un aspect social : les bénéfices de l’exploitation forestière profiteront-ils aux communautés et amélioreront-ils les recettes de l’État ?
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