Pygmées en lutte (3/4). Ces peuples de la forêt se soignent gratuitement en grande majorité avec les feuilles, écorces et autres fruits des arbres. Mais en vingt ans, près de la moitié de leurs forêts a disparu.
Au campement Bella « Docta », le tradipraticien du village cherche les plantes et les écorces nécessaires à la fabrication de médicaments. JOSIANE KOUAGHEU
Quand vous arrivez au campement Bagyeli de Bella, un village situé dans la région Sud du Cameroun, tout le monde est convaincu que vous vous rendez chez Jean Biyiha, plus connu sous le nom de « Docta » (docteur, en français). « Le guérisseur est là », souffle un jeune garçon sans qu’on ne lui ait rien demandé. C’est une question d’habitude. De tout le Cameroun et même de la diaspora, les patients se pressent à la porte de cet homme à la chevelure afro, au cou et aux mains ornés de perles. Empoisonnement, stérilité, fièvre typhoïde, maux de dos, de reins, de dents, maladies cardiovasculaires… Jean Biyiha a remède à tout, ou presque.
Tous ceux qui viennent ici trouvent une solution à leur mal, sourit l’homme âgé de 57 ans. Ça fait des siècles que nous guérissons les malades dans ma famille. La médecine traditionnelle se transmet de génération en génération chez les peuples autochtones de la forêt. »
Jean Biyiha n’utilise « pas de comprimés, aucun traitement moderne ». Ses médicaments se trouvent en forêt. « C’est mon hôpital, mon laboratoire, ma pharmacie », décrit-il. Feuilles, sèves, écorces, tiges, racines, fruits… les arbres n’ont plus de secrets pour « Docta ». Selon la maladie, il mélange, écrase, grille, brûle au feu de bois ou bout les ingrédients.
Mais, depuis quelques années, le travail du tradipraticien s’est compliqué. « Avant, je trouvais tous les produits dont j’avais besoin à dix kilomètres au plus. Ce n’est plus le cas. Tout est en train de disparaître », s’inquiète-t-il. Aujourd’hui, Jean Biyiha doit parcourir des distances de plus en plus longues et rester parfois plusieurs jours à la recherche de la feuille ou de l’écorce des arbres tels le bubinga ou le moabi.
« Arbre miracle »
Au Cameroun, du fait de la déforestation, la plupart des communautés autochtones qui dépendent de la forêt pour se soigner font face à la raréfaction, sinon à la disparition, de certaines essences. Entre 2001 et 2020, le pays a perdu 717 000 hectares de forêts primaires humides, soit 47 % de sa perte totale de couverture forestière au cours de la même période, d’après Global Forest watch.
En savoir plus...