Les acquis du programme FLEGT doivent être préservés à tout prix, déclare Christian Mounzéo de la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme (RPDH), en République du Congo.
Lorsque la Commission européenne a publié son projet de règlement sur les produits « zéro déforestation » en novembre dernier, la société civile congolaise a d’abord réagi avec surprise, puis inquiétude.
En effet, contrairement aux négociations de l’accord de partenariat volontaire (APV) pour l’application du programme sur les réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux (FLEGT), le projet n’a pas été élaboré dans le cadre d’un processus multipartite permettant aux parties les plus impactées d’avoir leur mot à dire.
Se pose aussi la question de savoir ce qu’il adviendra des APV-FLEGT, et si tous les efforts déployés dans le cadre de ce processus seraient vains.
Notre récente visite à Bruxelles, avec d’autres organisations de la société civile travaillant sur l’APV, nous a permis de mieux comprendre la position de l’UE et de faire part de nos préoccupations et de nos attentes.
Selon les représentants de l’UE et des États membres que nous avons rencontrés au cours des nombreuses réunions, les APV-FLEGT seront maintenus.
Nous avons également appris que, même au niveau européen, il n’existe aucun consensus sur la manière dont ce règlement sera mis en œuvre. Nous déciderons donc, une fois qu’il sera adopté, de la manière dont nous réagirons et sur quels aspects nous fonderons nos activités de plaidoyer.
Pour l’heure, cependant, il reste un certain nombre de problèmes critiques à résoudre.
Une porte ouverte
Il est fondamental de garantir la participation des communautés autochtones et des organisations de la société civile dans l’élaboration de la loi « zéro déforestation ». Une synergie entre les différents acteurs - l’Europe, les pays producteurs, le secteur privé, les organisations de la société civile ainsi que les communautés forestières - est nécessaire à la réussite du règlement. Comme l’a montré le programme FLEGT, les gains sont énormes lorsque la société civile et les communautés autochtones ont un rôle à jouer dans le contrôle et la mise en œuvre des lois en matière de protection des forêts.
Si l’on examine le contexte et la réalité des pays comme le nôtre où la démocratie n'est pas solidement implantée, l’on constate que les APV ont permis d’ouvrir un espace de dialogue. Les représentants de la société civile et des communautés ont pour la première fois pu s’asseoir à la table des négociations, se faire entendre, et voir leurs propositions prises en considération.
Cette participation a constitué une étape majeure pour nous. Cela a même changé la donne : les APV-FLEGT ont en outre ouvert la voie à la participation et à l’inclusion de la société civile dans d’autres processus politiques, telles que les contributions déterminées au niveau national (CDN), l’Initiative pour la Forêt de l’Afrique Centrale (CAFI) et le programme de réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation (REDD+).
Observation indépendante
Une autre question fondamentale concerne la manière dont le règlement aborde la question du bois illégal transporté vers les pays voisins et « blanchi », afin d’accéder au marché européen.
La traçabilité du bois peut nous aider à résoudre de nombreux autres problèmes : elle peut contribuer à éradiquer la corruption, à garantir que les communautés et les autres personnes concernées reçoivent les revenus qui leur sont dus, et que le bois soit produit de manière durable et légale.
L’observation indépendante quant à elle, qu’elle soit imposée ou non, reste un outil important et, dans le cadre du programme FLEGT, elle a permis à la société civile de participer, contribuer et mettre en lumière de nombreuses illégalités que d’autres parties prenantes ne soulèvent pas (par omission ou par choix). Il serait donc pertinent que le nouveau règlement puisse apporter un soutien à l’observation indépendante.
Une autre question qui reste en suspens concerne l’impact que le règlement aura sur les communautés qui vivent dans les zones où le bois est exploité. Actuellement, les communautés ont le sentiment d’être les seules à devoir gérer et faire face aux impacts négatifs de l’exploitation forestière.
Le texte du projet de règlement qui a fait l'objet d'un vote au Parlement européen propose que les licences délivrées dans le cadre du programme FLEGT soient considérées comme étant conformes aux exigences de légalité du règlement, permettant ainsi au bois légal d’accéder au marché européen. Il s’agit là d’une excellente nouvelle. Pourtant, une question a été soulevée lors de notre visite à Bruxelles concernant l’impact indirect et négatif que la clause relative aux droits humains pourrait avoir sur les APV-FLEGT. Un débat doit être ouvert avec l’UE sur cette clause.
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